- L'ironie est revenue, elle me rassure et me conduit à nouveau -
ensuite on songe.
[...]
On se voit aussi, allongé, les regardants des nuages, je ne sais
pas, comme dans les livres d'enfants, c'est une idée que j'ai.
[...]
On pleure.
On est bien.
Je suis bien.
Parfois, c'est comme un sursaut,
parfois, je m'agrippe encore, je deviens haineux,
haineux et enragé,
je fais les comptes, je me souviens.
Je mords, il m'arrive de mordre.
Ce que j'avais pardonné, je le reprend,
un noyé qui tuerait ses sauveteurs, je leur plonge la tête
dans la rivière,
je vous détruits, sans regret avec férocité.
Je dis du mal.
Je suis dans mon lit, c'est la nuit, et parce que j'ai peur,
je ne saurais m'endormir,
je vomis la haine.
Elle m'apaise et m'épuise
et cet épuisement me laissera disparaître enfin.
[...]
Je vous tue les uns après les autres, vous ne le savez pas
et je suis l'unique survivant,
je mourrai le dernier.
[...]
Il faudrat m'abattre.
Je pense du mal.
Je n'aime personne,
je ne vous ai jamais aimés, c'était des mensonges,
je n'aime personne et je suis solitaire,
et solitaire, je ne risque rien.
[...]
Je me sacrifie.
Vous souffrirez plus longtemps, plus longtemps et plus durement que moi
et je vous verrai, je vous devine, je vous regarderai
et je rirai de vous et haïrai vos douleurs.
[...]
Je ne faisais rien,
je faisais semblant,
[...]
je revois quelques souvenirs,
je fais parfois de longs détours pour juste recommencer,
et d'autres jours,
sans que je sache ou comprenne,
il m'arrivait de vouloir tout éviter et ne plus reconnaître.
Je ne crois en rien.
Mais lorsqu'un soir,
sur le quai de la gare..."
Extraits Scène 10 - Louis dans Juste la Fin du Monde de Lagarce