Champi-Haine

 Mon frère a eu 18 ans la semaine dernière. Nous avons 1 an et demi d'écart, autant dire beaucoup et très peu. Nous avons grandi ensemble et en décalage. Nous avons partagé les mêmes cauchemars et les mêmes jeux durant ses longues années et nous avons creusé un fossé entre nos deux choix de vies. Mon frère a eu 18 ans et il n'est plus mon petit frère. Je suis sa soeur et lui mon grand frère. On s'envoie des coeurs par sms, on se pose devant des animés quand je rentre le voir. Il n'y a que des "bonjour" et des "je t'aime tu sais" entre nous. Le reste n'est que silence et partage. Nous n'avons rien à nous dire, tout à entendre. Les maux, on les connaît et on les surmonte. 
Mon petit frère est devenu grand dans mon esprit le jour où il a recueilli mes larmes, où il m'a soutenu dans ses bras quand mon coeur avait volé en éclat. Il a regardé les morceaux mais a soutenu le corps. Il savait que rien ne vaut plus que l'espoir. L'espoir que ce corps accueille un autre coeur. Alors il a balayé avec moi, en silence, et a foutu ses éclats de peine hors de mon corps. Il m'appelle "Ma soeur", rarement par mon prénom. Comme pour tenir en alerte ce lien si généreux et si sincère qu'est le lien fraternel.
Mon frère a eu 18 ans. Il était déjà grand pour moi depuis ma blessure, maintenant le monde pourra regarder ce jeune homme qu'il est, cet homme bien qu'il est. Mon frère a eu 18 ans et je me demande quel effet cela me fera le jour où il sera le héros de son enfant et plus vraiment le mien.